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BURUNDI : témoignages sur les massacres

« Ils ont incendié  ma maison

 avec mes enfants à l'intérieur... »   

Le Monde

JOSÉ‑ALAIN FRALON.

25 août 1988


 

BUTARE(Rwanda) de notre envoyé spécial

« Le mercredi, les militaires sont arrivés dans nos villages.J'étais dans la bananerais et ils m'ont blessé. lis ont fait entrer les enfants dans la maison et ils ont mis le feu. Alors, je me suis enfui avec ma femme. Je marchais la nuit. Le jour, je me cachais dans la forêt. Je voyais des militaires partout.. Je l'entendais, ils disaient : « Tous les Hutus doivent être exterminés. »Il y avait aussi des hélicoptères. Je suis arrivé lundi au Rwanda. Je ne pouvais plus marcher, ma femme me tirait. Je ne retournerai, plus chez moi, dans mon pays, tant que ce régime durera. J'ai peur. »

André Ntalindi, trente et un ans, est maintenant à l'hôpital universitaire de Butera, soigné pour une fracture de la clavicule. Il fait partie des dizianes de milliers de réfugiés qui ont fui le Burundi pour trouver asile au Rwanda tout proche. Son témoignage est essentiel puisqu'il est originaire de Ntega, la commune où les troubles auraient commencé. Il admet _ mais sa mémoire, déjà, s'étiole _ qu' « il y a eu des bagarres» entre Tutsis et Hutus et que les responsables communaux des Tutsis ont été tués. Et puis l'armée est arrivée, procédant à un massacre _ quel autre mot ? _ systématique. Tous les témoignages des blessés concordent, la répression a été sanglante et aveugle.

Voilà ce bébé _ un mois et demi  _ blessé au ventre par un coup de poignard. Son père le tient dans ses bras. Lui aussi travaillait aux champs quand les militaires sont arrivés : « Je me suis caché. Quand je suis rentré chez moi, ma femme était morte, deux de mes enfants blessés. Je les ai pris avec moi et j'ai fui. Je ne sais pas ce que sont devenus mes cinq autres enfants. » Encore un enfant _ trois ans _ qui a reçu des éclats de grenade dans le bras et qui, hébété, regarde son pansement.

Un autre témoignage : « Je me suis caché dans les w. c. Pendant ce temps, ils tuaient mes quatre frères. » Voilà cet autre paysan : « Des militaires ont dit « Chargez » ! et ils ont tué tout le monde. Partout. Les avions aussi portaient la mort. » Et puis, la panique aidant, toutes les horreurs sont envisagées. « Il paraît que des avions ont envoyé du napalm, raconte un médecin rwandais et que des brûlés sont un train d'arriver » (1).
 

 

(1) L'utilisation de napalm a été catégoriquement démentie par le gouvernement burundais (le Monde du 24 août).

 

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