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La France est prête à participer à une intervention humanitaire au Zaïre


Soutenu par Madrid, Paris suggère l'envoi de troupes pour « sécuriser » les secours, mais souligne qu'il n'est pas question d'agit seul. Des divergences apparaissent au sein de la communauté internationale sur les modalités de l'opération.

FREDERIC FRITSCHER

Le Monde 6/11/1996


Les rebelles, qui contrôlent désormais une partie des provinces du Kivu, dans l'est du Zaïre, ont annoncé un cessez-le-feu unilatéral de trois semaines pour permettre aux organisations humanitaires « d'évacuer les réfugiés » qui le souhaitent. Dans le même temps, le président Mobutu Sese Seko est arrivé, lundi 4 novembre, en France, dans sa résidence sur la Côte d'Azur, en provenance de Suisse, où, depuis plus de deux mois, il était en traitement pour un cancer. Le ministre français des affaires étrangères, Hervé de Charette, a invité l'organisation de l'unité africaine (OUA), l'Europe. les États-Unis et le Canada à une réunion pour définir une « réaction immédiate » de la communauté internationale qui suppose l'envoi des « forces de sécurité » nécessaires pour venir en aide au million de réfugiés déplacés. La France est « prête à s'engager à la stricte condition qu'il y ait une participation européenne, africaine, américaine », a ajouté le ministre français.

A LA VEILLE du sommet réglo,a, prévu mardi à Nairobi en l'absence du Zaïre, la rébellion zairoise a annoncé un cessez-le-feu unilatéral de trois semaines. Affirmant parler depuis Bukavu, Laurent-Désiré Kibila s'est présenté comme le Coordinateur de l'AIllance des forces démocratiques pour la libération du Zaïre. Il a précisé que cette trêve doit permettre aux organisations humanitaires «d'évacuer 105 réfugiés » qui le souhaitent. Il a indiqué qu'à part quelques «poches de résistance », les rebelles « contrôlaient » Bukavu et Goma et les régions environnantes, A Kigali, le président rwandais, Pasteur Bizimungu, a également appelé à la trêve.

Un cessez-le-feu était rune des conditions posées par l'Union européenne à une intervention humanitaire en faveur des centaines de milliers de réfugiés déplacés par les combats. Lors du sommet franco-espagnol à Marseille, Jacques Chirac et José Maria Aznar, le chef du gouvernement espagnol, ont lancé, lundi soir, un appel solennel à la communauté internationale pour une action militaire d'urgence au Zaïre. « La France et l'Espagne, en liaison avec leurs partenaires européens, américains, l'ONU et l'OUA (Organisation de l'unité africaine), ont décidé d'unir leurs efforts, indique une déclaration commune. Le président de la République et le premier ministre d'Espagne ont examiné en détail les modalités possibles d'une sécurisation temporaire du Nord et du Sud-Kivu, pour permettre aux réfugiés de regagner les camps qu'ils ont quittés et aux populations déplacées de regagner leurs villages. Les deux pays participeront à une réunion internationale destinée à préparer cette opération à laquelle elles sont prêtes 
à contribuer et qui devrait être décidée par le Conseil de sécurité des Nations unies. » Paris et Madrid, nous signale notre envoyé spécial à Marseille, Henri de Bresson, souhaitaient que le Conseil de sécurité se réunisse au plus vite, malgré les élections américaines. Du côté français, on réaffirme qu'il n'est pas question d'agir seul, mais dans le cadre d'une opération à laquelle participeraient d'autres pays européens, africains, et les États-Unis.

La Grande-Bretagne s'est montrée favorable à la création de « couloirs » humanitaires, mais a demandé « davantage de détails » sur l'« idée » française. Même prudence à Washington, où les autorités ont souhaité « plus d'informations », tandis que l'ambassadeur des États-Unis au Rwanda, Robert Gribbin, déclarait: «Je ne vois pas l'utilité d'une intervention militaire extérieure » dans l'est du Zaïre, estimant qu'un cessez-le-feu sera observé dans cette région.

LANGAGE FERME

« L'aide humanitaire doit être acheminée d'urgence là où le million de réfugiés hutus se trouve, c'est-à-dire au Zaïre. Nous n'avons pas l'impression que ces gens veulent être rapatriés au Rwanda et aucune loi ne peut les forcer à rentrer, ce serait une déportation. » Tel est le langage, ferme, qu'Emma Bonino, commissaire européen chargé de l'action humanitaire, entendait tenir au ministre des affaires étrangères du Rwanda, en visite à Bruxelles, nous rapporte notre correspondant, Philippe Lemaître, et c'est dans ce sens qu'elle s'est déja exprimée, lundi soir, lors d'une communication téléphonique avec M- Sadako Ogata, haut-commissaire de l'ONU pour les réfugiés.

Il semble qu'un clivage, plus politique que technique, divise le camp occidental, voire, entre eux, les pays de l'Union européenne. Les ministres des Quinze débattront du dossier, jeudi, à Bruxelles. Alors que se réunit la conférence de Nairobi, qui rassemble, mardi et mercredi, les dirigeants de la région des Grands Lacs, les tractations ont déjà commencé. Si l'on en croit les informations parvenues à Bruxelles, les Rwandais proposeraient que vivres, médicaments et autres équipements soient rassemblés au Rwanda et que les couloirs humanitaires soient mis en place dans le sens Zaire-Rwanda, favorisant ainsi le retour d'un nombre important de réfugiés.

Un tel projet peut surprendre, dans la mesure où Kigali, qui soutient actuellement la rébellion au Zaïre, s'il a régulièrement proclamé qu'il était favorable au retour des réfugiés, n'a rien tenté de concret au cours des deux années passées, pour le faciliter. Le HCR sympathise avec le projet de Kigali, suivant ainsi le point de vue américain. « Il est de plus en plus évident que l'ensemble de l'opération entreprise par le Rwanda a eu la bénédiction des États-Unis », entend-on à Bruxelles. Le Rwanda, dont les plans pourraient se trouver contrecarrés par une opération internationale amenant notamment des Français au Kivu, tente actuellement de convaincre les pays de l'Union européenne dont il a l'oreille (Grande-Bretagne, Pays-Bas, Irlande ... ) que la solution qu'il préconise est la meilleure.

 

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