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La cruauté de  la  répression

Le Monde / 27.5.1972


Un ecclésiastique de Bayeux nous transmet un second témoignage d'Européen dont nous extrayons le commentaire suivant :

Cet affrontement sanglant qui divise un peuple trouve son origine, sans doute, dans son histoire reculée et récente. La révolution hutu au Rwanda, au moment de l'indépendance, la rébellion de 1965 au Burundi, déjà, noyée dans le sang, le procès de 1969 et l'exécution des élites hutus n'ont que creuser le fossé entre les deux ethnies. La tragédie que nous vivons aujourd'hui a rendu ce fossé infranchissable.

Les massacres organisés par les rebelles le 29 avril et les jours suivants en province de Bururi ont peut-être acculé à la répression les Tutsis effrayés.
Il ne reste qu'une jacquerie paysanne, soutenue - sinon provoquée - par les nostalgiques de la révolte que sont les Simbas congolais, donne maintenant au pouvoir militaire un prétexte pour frapper durement ceux qui ne demandent qu'à prendre légitimement en main leur avenir.

Ce qui se passe au Burundi en ce mai sanglant s'est produit depuis dix ans un peu partout comme un exemple de ce qui attend, on le craint, l'ensemble de l'Afrique dans les prochaines décennies. De l'indépendance, les masses paysannes n'ont goùté que les tambours de fête, les drapeaux, les défilés et les discours des hommes au pouvoir. Ceux-ci, complices tantôt lucides, tantôt naïfs des intérêts étrangers, n'ont fait que remplacer les anciens administrateurs coloniaux.    Ils ont remplacé des hommes, ils n'ont pas modifié le système d'exploitation.

Trois quarts de siècles de "civiljsation européenne"  (abusivement assimilée par certains à la civilisation chrétienne ») ne pourront rien y changer. La société africaine sera construite par les Africains. Il ne reste que peu d'espoir qu'elle le soit, au Burundi, autrement que dans la douleur et le sang.

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