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Au Burundi: 
Un programme de "liquidation" et d'extermination de la race Hutu

 

L'Action, Québec, Mercredi, 9 février 1966

 


(C.C.C.) - Les relations concordantes que nous avons recueillies de plusieurs voyageurs rentrés récemment du Burundi nous permettent d`affirmer qu'après les nombreuses et sauvages exécutions d'octobre, la Programme d'extermination de l'élite Hutu par la minorité féodale Tutsi s'est étendue jusque dans les coins les plus retirés des campagnes.

En effet, après avoir complètement rasé les trois communes de Bugarama. Bukeye et Kavumu dans la province de Muramvya, siège du mouvement de révolte populaire contre la terreur Tutsi, la répression s'étend maintenant systématiquement à toute personne hutu, exerçant une fonction dirigeante ou ayant une certaine position sociale. Tous les bourgmestres, les députés, les sénateurs hutus, ainsi que les secrétaires et receveurs communaux Hutu ont été arrêtés et emprisonnés.

Beaucoup d'entre eux sont morts sous les coups avant même d'atteindre la prison, au cours des mois de novembre et décembre.

Si ces nouvelles ne peuvent être confirmées que maintenant, c'est en raison du fait qu'au Burundi, il n'existe pas de journal, que la radio est celle de l'État, que les déplacements de Hutus sont Interdits ainsi que tout contact avec des étrangers, que dans chaque village les Tutsi se font les délateurs des Hutu auprès des nouvelles autorités, que les familles ne sont pas averties officiellement de la mort des victimes, qu'il leur est interdit d'emporter le deuil et d'y faire allusion, bref, que le pays tout entier vit dans un régime de terreur silencieuse. Ce n'est donc que bribe par bribe qu'on peut recueillir et confirmer les informations sur ce qui se passe au Burundi et qui défie l'imagination. Malgré tous ces obstacles, il est maintenant possible d'établir avec certitude qu'au cours du deux derniers mois:


- 3 chefs hutus de la mission protestante de Rwintare ont été tués à coups de bàtons;

- 6 autres, dont un député, Ezechiaz Biyorero, ont été battue et torturés à mort dans la prison de Bururi;

- le député bourgmestre de la la province de Muramvya, Mathias Nzobaza, a été tué à coupe de bâtons au commissariat de Bujumbura;

- 12 dirigeants communaux hutus amenée de la province de Mulinga (N.E) sont morts tous lu coups à la prison de Mpimba à Bujumbura;

- 32 dirigeants communaux hutus ont été sortis de prison et conduits dans la forêt de kibiro, près de Muramvya. Après les avoir ligotés à des troncs d'arbres et entassés sur une bûcher, Ils ont été brûlés vite et ceux qui agonisaient ont été achevés à coups de fusil;

- dans la province de Kitega, un instituteur de la paroisse de Kitongo, est mort sous les coups de bâtons alors qu'on le conduisait en prison.


La liste s'allonge chaque jour dans toutes les provinces. 
La mission de tout fonctionnaire tutsi nommé par le nouveau gouvernement, illégalement constitué, est de rechercher, emprisonner ou tuer tout citoyen hutu ayant pas sa formation ou ses fonctions un certain ascendant sur la masse des paysans.
C'est ainsi que dans toutes les provinces, les directeurs d'écoles hutus de nombreux instituteurs et les fonctionnaires hutus soupçonnés d'être de tendance démocratique, sont tués ou emprisonnés. Plusieurs écoles ont fermé leurs portes dans les provinces de Muramvya et Kitega, par suite de la disparition des instituteurs.

Les biens des victimes sont directement partagée entre lés Tutsi saut autre procédure.
A Bujumbura les personnalités suivantes ont été emprisonnés eau autre motif que leur appartenance à la race hutu : Nuwinkware Pierre C.: ancien ministre de la Justice et des Affaires sociales; Ntiryica Zacharie: ancien ministre des Travaux publics. Baregenyeza Mathias: maltre des cérémonies à la Cour; Vyabandi Lazare : ancien commissaire d' arrondissement. le capitaine Masunzu Claver: commandant de la région Nord.

Ainsi que certain fonctionnaires supérieurs hutu: Nahlmana Lucien : Banque d'émission: Ntwenga Venant: Travaux publics.. Ryonori Joseph: directeur au ministère des Affaires sociales; Butoyi Marcien: ancien substitut du procureur du Roi, Surwavuba Ananie: Banque d'émission; Sirabahenda Z.: Travaux publics; Manwangari N.. ministère des Affaires sociales: et d'autres, et d'autres...

Dans les prisons de Province, c'est la sursaturation. Les vides provoqués par les exécutions sont comblés chaque jour par de nouvelles arrestations.

Dans la province de Muramvya, à la Noël, le nombre de détendus politiques était de 534.

Dans la province de Bururi, les prisonniers y sont entassés au point qu'il en meurt plusieurs chaque jour, faute de
nourriture. d'air et de soins. Dans cette province de Bururi, le gouverneur Bizimana bien connu pour sa férocité, a rendu systématique la "liquidation" des Hutu.

A Kitega leur nombre, à la mi-décembre, était de 1.480. L'entassement dépassant toute limite possible, une partie des détenus a été conduite en camion à Bujumbura, mais la Procureur du Roi Ndabakwaje, les a renvoyés à Kitega en ordonnant de les y emprisonner coûte que coûte.

Pour chaque Hutu tué en prison ou en dehors de la prison, ce même Procureur du Roi Ndabakwaje. fait établir un simple rapport et tient une comptabilité des Hutu déjà tués et de ceux qui restent à "liquider'. En effet un plan d'extermination à été établi pour chaque province. Pour la seule province de Bujumbura, la plus importante, le nombre de Hutu à liquider s'établit à près de 1.500.

Le "Conseil de guerre", composé de Tutsi, officiers ou magistrats de la 1ère et de la 2e chambre, se réunit chaque semaine pour décider du nombre et des noms des personnes à exécuter à une date donnée.

Un membre du "Conseil de guerre", tous Tutsi, sont: Jean Kandeke, substitut du Procureur du Roi. Paul Rusiga, capitaine, commandant la garnison de Kitega. Tarcisse Vyuzira, magistrat; Gelasse Ngurinzira. conseiller à la Cour suprême; Nkorifa. capitaine à la Garde nationale: le comptable du camp militaire de Bujumbura (nom pu précisé); Ndayuhurume Etienne, de la Garde nationale; Mabushi Charles, de la Garde nationale.

Au cours du mois de décembre, le 15 décembre plus précisément, le pouvoir féodal à célébré à sa façon la fête de la dynastie du Burundi: à Muramviya. à 6 heures du matin. ont été torturés d'abord. exécutés ensuite. 84 chefs hutu, dont les plus marquants sont: M. joseph Bamina: président du Sénat ancien chef du cabinet du Mwami, un des chefs de la tendance Hutu modérée, connu par sa fidélité à la monarchie. M. Joseph Miburo: gouverneur de la Province de Myramvya: M. Emile Nebyaguje: député de la même province.

Tous étaient hutu bien entendu. Parmi eux se trouvaient à nouveau plusieurs dirigeants nationaux de l'organisation syndicale S.C.B.

Malgré les simulacres de Jugement la tension augmente parmi les soldats de la Garde nationale' en majorité hutu, mais de savantes précautions sont prises pour prévenir toute réaction violente de leur part. Fidèle au souci du maintien de l'ordre les officiers belges de l'Assistance technique. qui encadrent la Garde nationale du Burundi. sous l'autorité du commandant Verwayen, s'emploient à maintenir dans la troupe le sent de l'obéissance, aveugle, et à empêcher toute tentative de révolte contre les officiers Tutsi. Une obéissance entretenue d'ailleurs par le traitement privilégié réservé à l'armée, à laquelle rien n'est refusé.

Qui donc paie ces frais dans un pays au bord de la ruine? Quelles assistance& étrangères permettent de maintenir en vit ce régime de sanglante dictature ?

Qui donc a intérêt à étouffer les protestations et les plaintes d'une population martyrisée, réduite au silence?

Comment est-il possible que les gouvernements - démocratiques, la Belgique, les pays du Marché Commun, les U.S.A., continuent à apporter une aide technique et financière à la sanglante et odieuse dictature qui n'est établie au Burundi, et lui permettent de la sorte de poursuivre impunément son programme d'extermination raciale des Hutu.

Comment les chefs actuels du gouvernement illégal du Burundi sont-ils encore reçus avec tous les honneurs par les ambassadeurs de ces mêmes pays au Burundi. alors que leurs mains sont souillées du sang de leurs meurtres et de leurs crimes ?

L'opinion publique mondiale prendra-t-elle enfin conscience de l'atroce et sanglante sauvagerie qui décime l'élite entière d'une race au Burundi, et les pays démocratiques, l'Organisation des Nations-unies feront-ils enfin quelque chose pour arrêter ce massacre ?

@AGNews 2002