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  Génocide 

 

Robert FALONY

"'Le Peuple"', 25 mai 1972. 


Génocide : dans son sens littéral, le mot signifie l'extermination d'une «race. en tant que telle. Le type achevé du génocide fut le massacre des juifs par les nazis. Mais, dans la politique internationale, ou plutôt la jungle internationale, le terme s'applique de plus en plus souvent à Ces épouvantables tueries qui ont pour but de mater les révoltes populaires, de décimer et de terroriser les masses. Ainsi, on a pu parler de " génocide " dans les guerres du Biafra et du Vietnam, et plus encore avec la répression au Bengale orientai l'an dernier.

Pas une ligne ne tombe sur les téléscripteurs au sujet de la tragédie du Burundi.

Il n'y a pas de journalistes, sauf exception, pour raconter ce qui se passe. Le Burundi est « fermé ». Les événements récents sont confus, encore Incertains. Mais les témoignages directs qui filtrent de Bujumbura ne permettent pas de douter que le massacre de l'élément hutu qui représente les quatre-vingt-cinq pour cent de la population a pris les proportions d'un épouvantable bain de sang. C'est M. Eyskens qui, à l'issue du conseil de cabinet de vendredi dernier, parlait de -génocide - un mot qu'un Premier ministre n'emploie pas à la légère.

L'ambassadeur belge a été rappelé en consultation. La presse belge publie des témoignages «privés» mais directs, qui tous font état de massacres compris parmi les étudiants et compris parmi les étudiants et les élèves des écoles.

Des camions transportent les corps vers les charniers. Les estimations les plus " modérées" font état de milliers de morts, sinon de dizaines de milliers.

Dix ans d'indépendance du Burundi ne constituent qu'une longue série de coups d'État. d'assassinats, d'exécutions capitales, de complots et de répressions.

Depuis près de six ans que le régime républicain est établi, sous la direction du colonel Michel Micombero, président de la République, chef de l'Exécutif, leader du parti unique Uprona, ce régime. malgré sa terminologie « progressiste » n'a nullement fait évoluer le pays vers la fin des antagonismes tribaux et des structures sociales archaïques Issus de la longue domination. de type féodal, exercée par les Batutsis. Il est difficile de dire. à cet égard. que l'oeuvre coloniale a été "réussie"....

La genèse des derniers événements est trouble. Le 28 avril, Micombero révoquait son gouvernement.

Le lendemain, 29 avril, l'ancien Mwami Ntare V (qui avait lui-même déposé son père en 1966) récemment revenu d'exil, était assassiné, dans des circonstances qu'on ignore. Y a-t-il eu tentative de coup d'État contre le régime Micombero, évoluant en révolte hutu avec l'intervention d'éléments révolutionnaires venus du Zaïre, et d'exilés? Y a-t-il eu "fabrication d'un complot pour justifier le massacre des Bahutus après des massacres de Tutsis? L'affaire est d'autant plus compliquée que le régime républicain, soutenu par ce qu'on appelle le - clan sudiste - se heurtait à l'opposition des Tutsis traditionnels favorables à l'ancienne monarchie. Bref, Il y a eu -dérapage-. La suite. sanglante, est toujours en Cours.

Que constater ? L'impuissance de l'OUA? Elle est permanente. La faillite d'un régime pseudo-progressiste. dont l'amitié - avec la Chine est une décoration de façade? La duperie d'une assistance technique belge qui a servi un régime plus qu'un peuple, comme toujours? Dans ce pays où le revenu par tète est de l'ordre de 2.500 FB par an. où les jeunes Hutus sont scolarisés à trente-cinq pour cent, c'est parmi ces adolescents instruits que les assassins sélectionnent leurs victimes...


@AGNews 2002